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"This thing of darkness" : la nuit dans la littérature et les arts visuels du monde anglophone

Beginn
15.06.2020
Ende
15.06.2020
Deadline Abstract
06.04.2020

« This thing of darkness » : la nuit dans la littérature et les arts visuels du monde anglophone

Journée d’étude organisée par le laboratoire doctoral OVALE, rattaché à l’Unité de recherche VALE,

Faculté des Lettres de Sorbonne Université

Sorbonne Université, 15 juin 2020

« [A] great cause of the night is lack of the sun ». Telle est la définition de la nuit, d’emblée négative, que donne le berger Corin dans As You Like It. Il témoigne ainsi, au cœur même de la langue, d’une opposition et d’une relation de dépendance entre la nuit et le jour. Mais cette relation est déséquilibrée : la nuit est l’envers du jour, qui constitue le terme normal à partir duquel elle est déterminée. Par conséquent, le jour et la nuit sont connotés culturellement : si le premier est le temps de l’éveil, de la vie et du travail, la seconde est absence de lumière, source de désordre ; elle est ainsi la compagne du chaos dans Paradise Lost de Milton, portant la trace de cette anarchie qui précède la création divine. Mais ce temps mort pensé comme moment originel est aussi le temps de la mort, le terme vers lequel tend toute existence.

Ces connotations a priori négatives témoignent toutefois de la richesse métaphorique de la nuit, que ne cessent d’explorer la littérature, la peinture et le cinéma. La nuit y est le lieu d’une ambiguïté et d’une imprécision qu’il faut envisager, non pas uniquement comme facteurs de désordre, mais comme rendant possibles une vie et une identité différentes. C’est un espace liminal, le temps d’un renversement, où les démarcations et frontières sont plus facilement franchies. La nuit apparaît donc comme le lieu d’une métamorphose potentielle, définitive ou non, qui semble échapper radicalement aux normes qui régissent les pratiques diurnes. Néanmoins, n’est-elle que transgression ou bien institue-t-elle son propre régime d’existence ?

La nuit propose en effet une expérience des possibles et offre donc une prise à l’imaginaire. La nuit, pour Burke, est l’espace du sublime, elle décuple les effets, intensifie les émotions. La nuit sera donc le temps privilégié du récit et par là, l’espace où se déploie l’imaginaire. Il n’est d’ailleurs pas surprenant que la nuit soit associée, comme dans Les Mille et Une Nuits, au temps de la narration. Si elle est le moment où celle-ci peut avoir lieu, comme lors des veillées nocturnes ou des bedtime stories, elle n’est alors plus seulement le temps du repos et du sommeil.

L’alternance de l’éveil et du sommeil peut donc être perturbée, aboutissant à un dérèglement de l’esprit, qui peut aller de la simple insomnie à la folie. Les villes de nuit regorgent de personnages présentés comme peu recommandables et on décèle dans la pénombre les contours d’une vie cachée, inavouable ou réprimée. Le jour serait ainsi l’espace du public, la nuit le domaine de l’intime. Chez Stevenson, Jekyll se métamorphose nuitamment en Hyde ; au jour conviennent les apparences de respectabilité, à la nuit, les pulsions débridées qui contreviennent à la morale officielle. La nuit, propice à l’anonymat et au travestissement, est pour Elizabeth Bronfen, « the privileged stage for transgressions. » Transgression des limites mêmes de l’humain, lorsqu’apparaissent à la nuit tombée des créatures nouvelles et fantastiques : vampires (Dracula de Bram Stoker, ou encore la série True Blood), loups-garous, sorcières… La nuit est aussi le temps de la sexualité et des activités licencieuses, comme chez Joyce, où le nighttown de « Circe » devient le théâtre cauchemardesque de tous les dérèglements. Sur un autre registre, celui de la comédie, Frank Capra explore les possibilités subversives de la nuit dans It Happened One Night, et c’est de préférence la nuit que les protagonistes de Clockwork Orange s’adonnent à l’ultra-violence et assouvissent leurs pulsions les plus morbides.

Mais cet espace du dérèglement porte aussi en lui des formes d’expression nouvelles. La nuit est le temps où se manifestent notamment les subcultures, où s’expriment les rythmes de la marginalité. C’est le cas pour les sound systems jamaïcains, véritables nightclubs du pauvre, qui font danser les « midnight ravers » chantés par Bob Marley, précurseurs des musiques électroniques de toutes sortes qui essaiment à la fin du vingtième siècle. Cette vie nocturne, souvent en butte aux autorités, peut se lire à la fois comme un défi lancé au mainstream policé qui s’affiche au grand jour, et comme un défouloir carnavalesque dont l’excès même contribue à maintenir la norme qu’il prétend subvertir.

Enfin, on pourra interroger la stabilité de la frontière entre jour et nuit. À la faveur de bouleversements techniques, sociaux, et culturels, l’alternance apparemment immuable de la nuit et du jour subit des transformations considérables : c’est l’effet notamment de la généralisation de l’éclairage public dans les pays industrialisés à partir du dix-neuvième siècle. Alors que la nuit était le temps des travaux infâmants, liés à la mort et à l’ordure, la maîtrise de la lumière permet d’éclairer les usines de la révolution industrielle, comme celles d’Arkwright dès 1790. L’éclairage au gaz se répand bientôt dans les rues de Londres ou de Manchester, afin notamment de lutter contre le crime : les réverbères sont surnommés police lamps. Enjeu de pouvoir économique ainsi que de contrôle social, l’éclairage permet de redéfinir le rapport à la nuit et d’en assimiler la part d’ombre. La généralisation inexorable de l’éclairage et des écrans n’aboutirait-elle pas à un jour perpétuel ? La nuit serait-elle devenue obsolète ?

Les approches de la littérature et des arts visuels anglophones puisant dans d’autres disciplines (philosophie, sociologie, histoire...) seront particulièrement appréciées. Les propositions de communication pourront explorer les pistes suivantes&nbs

  • La nuit comme objet de représentation littéraire et visuelle (peinture, cinéma)
  • Les représentations nocturnes de la ville
  • La nuit comme le temps de la transgression, de la subversion, du désordre
  • Les enjeux techniques et sociaux liés à la lumière et l’obscurité
  • La nuit et le récit     
  • La nuit et le rêve, les visions et les hallucinations
  • La nuit comme invitation au travestissement, à la performance, à la métamorphose

Les propositions (300 mots maximum), en français ou en anglais, accompagnées d’un courte notice bio-bibliographique devront être adressées à l’adresse e-mail suivante : laboratoire.ovale@gmail.com.

Durée des communications : 20 minutes.

Date limite d’envoi des propositions : 6 avril 2020

Date de réponse : fin avril 2020

Informations pratiques :
La journée est ouverte à tous.
Le comité scientifique est composé de Corentin Jégou, Élise Rale et Nicolas Thibault, doctorants et membres du bureau d’OVALE, ainsi que des Professeur.e.s Line Cottegnies, Frédéric Regard et Kerry-Jane Wallart.
La journée se déroulera à la Maison de la Recherche de Sorbonne Université (28 rue Serpente, 75006 Paris).

Bibliographie indicative :
Baldwin, Peter C., In the Watches of the Night: Life in the Nocturnal City, 1820-1930, Chicago: University of Chicago Press, 2012.
Baudry, Patrick, « L’ambiguïté nocturne, une habitation », in Société & Représentations, n°4, 1997, pp. 47-57.
Beaumont, Matthew, Nightwalking: A Nocturnal History of London, Londres: Verso, 2015.
Bronfen, Elisabeth, Night Passages. Philosophy, Literature, and Film, New York: Columbia University Press, 2013.
Burke, Edmund, The Philosophical Enquiry into the Origine of our Ideas of the Sublime and Beautiful, Oxford: R. et J. Dodsley, 1757.
Cabantous, Alain, Histoire de la nuit. XVIIe-XVIIIe siècle, Paris: Fayard, 2009.
Chatterton, Paul et Hollands, Robert, Urban Nightscapes. Youth Cultures, Pleasure Spaces and Corporate Power, Londres: Routledge, 2003.
Dickens, Charles, Night Walks (1850-1870), Londres: Penguin Books, 2010.
Durot-Boucé, Elizabeth, Spectres des Lumières: du frissonnement au frisson – Mutations gothiques du XVIIIe au XXIe siècle, Paris: Publibook, 2008.
Ekirch, A. Roger, At Day’s Close. Night in Times Past, New York: Norton, 2005.
Foessel, Michaël, La Nuit. Vivre sans témoin, Paris: Autrement, 2017.
Genette, Gérard, « Le jour, la nuit », in Langages, 3e année, n°12, 1968, pp. 28-42.
Laughton, Charles, The Night of the Hunter, 1955.
Ménager, Daniel, La Renaissance et la Nuit, Genève: Droz, 2005.
Montandon, Alain (éd.), Dictionnaire littéraire de la nuit, 2 vol., Paris: Honoré Champion, 2013.
Palmer, Bryan D., Cultures of Darkness: Night Travels in the Histories of Transgression, New York: Monthly Press, 2000.
Saint-Girons, Baldine, Les marges de la nuit. Pour une autre histoire de la peinture, Paris: Les Éditions de l’Amateur, 2006.
Summers-Bremner, Eluned, Insomnia: A Cultural History, Londres: Reaktion Books, 2008.

Quelle der Beschreibung: Information des Anbieters

Forschungsgebiete

Literatur aus Nordamerika, Literatur aus Großbritannien und Irland, Literatur und Visual Studies/Bildwissenschaften
Night Studies

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Einrichtungen

Université Paris-Sorbonne
Datum der Veröffentlichung: 06.03.2020
Letzte Änderung: 06.03.2020