CfP/CfA Veranstaltungen

Perspectives artistiques et littéraires sur les périphéries. Stratégies de subversion et d’émancipation des périphéries et des marges face aux centres (Sorbonne Univ.)

Beginn
02.06.2022
Ende
02.06.2022
Deadline Abstract
15.04.2022

Jeudi 2 juin de 9h30 à 18h, à la Maison de la Recherche - Sorbonne Université, 28 Rue Serpente, 75006 Paris

Cette journée d’étude est organisée par REIGENN et l’UMR 8224 Eur’ORBEM (Sorbonne Université), LEGS (Université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis) et Initiative Théâtre (Alliance Sorbonne Université).

Elle trouve son origine dans un séminaire doctoral organisé par les laboratoires juniors des équipes de recherche d’études italiennes (ERjilS, ELCI), germaniques et nordiques (Élans, REIGENN) et slaves (Passage, UMR 8224 Eur’ORBEM) de l’ED 020 de la Faculté des Lettres de Sorbonne Université.

 
Tout au long du XXe siècle, sous l’influence du courant marxiste, de nombreuses disciplines des sciences sociales telles que l’économie, la géographie ou la sociologie se sont emparées du couple notionnel centre/périphérie afin de théoriser des rapports de pouvoir de différentes natures. Si le centre constitue le lieu – géographique ou symbolique – de production des savoirs et de la culture légitimes (Bourdieu, 1979) et par conséquent, de la norme, la périphérie est quant à elle perçue comme un espace sous la dépendance et sous le rayonnement du centre, et dont les objets et personnes sont sous-représentés, souvent discriminés ou même rendus invisibles par le centre. Dans cette perspective, la notion de « périphérie » peut être rapprochée de celle de « marge » (Hooks, 1984), fortement mobilisée dans les études féministes, queer, postcoloniales, du handicap et de manière générale, subalternes. Or, les champs littéraires et artistiques n’échappent pas à ces rapports de domination, bien au contraire : ces dynamiques de pouvoir impactent à la fois la circulation des œuvres et leur reconnaissance dans les champs littéraires et artistiques ainsi que les enjeux esthétiques et les questions de représentation de soi et de l’autre dans ces œuvres.

Cette binarité centre/périphérie a depuis été remise en question : force est de constater que les histoires transnationales (Seyhan, 2001) et transculturelles (Mitterbauer & Smith-Prei, 2017) éclairent les mobilités des centres et des périphéries ainsi que les capacités d’agir et de mise en réseaux (Scott, 2013) d’espaces considérés comme périphériques aux niveaux régional, national ou mondial. C’est dans cette perspective qu’ont émergé les notions d’« interconnectivité », de « rhizome » (Deleuze & Guattari, 1980), de « relation » et d’« intervalorisation » permises par la créolisation (Glissant, 1996).

Cette journée d’étude visera à revisiter les débats épistémologiques sur le couple notionnel centre/périphérie en interrogeant les capacités d’agir des périphéries et marges littéraires et artistiques (cinéma, bande dessinée, arts du spectacle, arts plastiques, musique). Elle s’intéressera tout particulièrement aux stratégies d'autonomisation et de subversion (Casanova, 1999) que les périphéries mettent en place pour renverser la circulation des objets culturels et les représentations produites à la fois sur les centres et sur elles-mêmes. Par autonomisation, nous entendons une forme de détachement par rapport aux normes du centre – par exemple en littérature, l'abandon d'une langue colonisatrice (Wa Thiong’o, 2010) ou l’hybridation de la narration (Nelson, 2015). Mais les centres peuvent également être l'objet de cette production de savoirs par les périphéries : dans une perspective de subversion voire de renversement du rapport de domination, certaines périphéries choisissent alors non pas d'ignorer les centres et leurs normes, mais de théoriser et/ou de représenter ces derniers. Conscientes de ces rapports de pouvoir qui les lient aux centres, elles bénéficient alors d'un « privilège épistémique » (Hartsock, 1997). Au cinéma, on pense par exemple au female gaze (Brey, 2020) qui ne constitue pas un simple pendant du male gaze (Mulvey, 1975) mais une subversion consciente de ce dernier. C'est donc une approche sociologique des arts et de la littérature qui sera privilégiée dans cette journée d’étude, sans pour autant que les enjeux esthétiques et formels soient évacués. Au contraire, nous valoriserons les approches qui traiteront de front les enjeux tant esthétiques que politiques des rapports entre centres et périphéries dans les arts et la littérature.

Nous encourageons donc les propositions de contributions à s’inscrire dans différents axes de réflexion et d’interrogation :

•          Quels sont les enjeux soulevés par les représentations et autoreprésentations issues des périphéries ? des représentations des centres par les périphéries ? Comment la question du « privilège épistémique » se traduit-elle dans les domaines artistiques et littéraires ? 

•          Qu’en est-il des stratégies linguistiques mises en place par les périphéries artistiques et littéraires ? Quels sont les apports et les limites des pratiques de traduction et d’autotraduction ? 

•          Quels sont les liens qui existent entre les trajectoires d’artistes entre périphéries et centres (par exemple, par l’exil) et les stratégies littéraires et artistiques mises en place pour subvertir, s’approprier ou s’émanciper des normes du centre ? 

•          En quoi la mise en réseau des périphéries entre elles peut-elle constituer une forme d’autonomisation par rapport au centre ? 

•          Quelles stratégies les marges et périphéries artistiques et littéraires doivent mettre en place pour assurer la circulation de leurs œuvres vers le centre et trouver des « portes d’entrées » (Paz 1972) ? Ces stratégies peuvent-elles être considérées véritablement comme des stratégies d’émancipation ? Quelles en sont les limites ? 

•          Dans une perspective de rapprochement entre les notions de périphérie et de marge, nous encourageons vivement les propositions qui s’intéresseront aux questions de genre, de sexualité, de classe, de race et de handicap, ainsi qu’à l’intersection entre plusieurs de ces questions. Les propositions qui traiteront des liens entre humain et non-humain et de zoopoétiques seront également les bienvenues. 

•          Enfin, nous aspirons également à réfléchir à la manière dont les rapports entre périphéries/marges et centres irriguent notre milieu académique et espérons pouvoir subvertir en partie le constat posé par Zekri (2017). Les propositions s'intéressant aux stratégies développées par les chercheur-euses « subalternes » (Spivak, 1988) ou les organisations associatives et activistes pour élaborer et diffuser des outils méthodologiques, théoriques et épistémologiques autonomes, sont donc encouragées, ainsi que celles s’intéressant de manière plus globale aux stratégies d'appropriation de concepts issus du centre, déployées par les marges et périphéries. Ces réappropriations pourraient-elles même à terme et/ou ponctuellement permettre de priver le centre de ses outils ?  

Envoi des propositions

Les propositions de contribution (en français ou en anglais, de 500 mots maximum et comportant une brève présentation bio-bibliographique) devront nous parvenir avant le 15 avril 2022 aux adresses laura.maver@yahoo.fr, et lola-sinoimeri@riseup.net. Une réponse sera donnée le 30 avril au plus tard.

Cette journée d’étude est ouverte aux masterant-es, doctorant-es et jeunes chercheur-euses.

Le transport et le logement des participants pourraient être pris en charge par le budget du colloque, en partie ou totalement, dans le cas où les conditions financières le permettent.

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Bibliographie

BOURDIEU Pierre, La Distinction : Critique sociale du jugement, Paris, Éditions de Minuit, 1979.

BRAIDOTTI Rosi, « Les sujets nomades féministes comme figure des multitudes », Multitudes, Vol. 12, No. 2, 2003, p. 27-38.

BREY Iris, Le Regard féminin : une révolution à l’écran, Paris, Éditions de l’Olivier, 2020.

CASANOVA Pascale, La République mondiale des lettres, Paris, Éditions du Seuil, 2009.

DELEUZE Gilles, GUATTARI Félix, Capitalisme et schizophrénie, tome 2 : Mille plateaux, Paris, Les Éditions de Minuit, 1980.

GLISSANT Edouard, Introduction à une poétique du divers, Paris, Gallimard, 1996.

HARSTOCK Nancy C. M., « Rethinking Modernism : Minority vs. Majority Theories », Cultural Critique, No. 7, 1987.

HOOKS bell, Feminist Theory: From Margin to Center, Boston, South End Press, 1984. 

MITTERBAUER Helga, SMITH-PREI Carrie (éds.), Crossing Central Europe: Continuities and Transformations, 1900 and 2000, Toronto, Buffalo, Londres, University of Toronto Press, 2017.

MULVEY Laura, « Visual Pleasure and Narrative Cinema », Screen, Vol. 16, No. 3, 1975.

NELSON Maggie, The Argonauts, Minneapolis, Graywolf Press, 2015.

PAZ Octavio, Le Labyrinthe de la solitude, suivi de Critique de la pyramide, Paris, Gallimard, 1972.

SCOTT James C., Zomia, ou l’art de ne pas être gouverné, Paris, Éditions du Seuil, 2013 (1993).

SEYHAN Azade, Writing outside the nation, Princeton, Princeton University Press, 2001.

SPIVAK Gayatri Chakravorty, « Can the Subaltern Speak? » in NELSON Cary, GROSSBERG Lawrence (éds.), Marxism and the Interpretation of Culture, Chicago, University of Illinois Press, 1988, p. 271-313. 

WA THIONG’O Ngugi, Decolonising the Mind: The Politics of Language in African Literature, London, James Currey ; Nairobi, Heinemann Kenya ; Portsmouth, N. H., Heinemann ; Harare, Zimbabwe Publishing House, 1986.

ZEKRI Caroline, « La fabrique des identités migratoires : de l’usage du culturel comme outil de dépolitisation des migrations », Scritture Migranti. Rivista di scambi interculturali, No 11, 2017, p. 103-117.

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Comité d'organisation

Virginie Adam, Sorbonne Université (REIGENN)

Naïma Berkane, Sorbonne Université (Eur'ORBEM)

Nicola Brarda, Sorbonne Université (ELCI)

Aida Čopra, Sorbonne Université (ELCI)

Astrid Greve-Kristensen, Sorbonne Université (Eur'ORBEM)

Joseph Kebe-Nguema, Sorbonne Université (REIGENN)

Laura Maver Borges, Sorbonne Université (ELCI)

Iris Saada, Sorbonne Université (Eur'ORBEM)

Lola Sinoimeri, Université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis (LEGS), Sorbonne Université (Eur'ORBEM)

Comité scientifique 

Agathe Mareuge, MCF, Sorbonne Université (REIGENN)

Silvia de Min, Sorbonne Université (ELCI)

Gaïa Perreaut, Sorbonne Université (REIGENN)

Małgorzata Smorąg-Goldberg, PR, Sorbonne Université (Eur’ORBEM)

Valentina Sturli, Université de Padoue (Département d’études linguistiques et littéraires)

Maria Turgieva, Sorbonne Université (Eur’ORBEM).

Quelle der Beschreibung: Information des Anbieters

Forschungsgebiete

Literaturtheorie, Poststrukturalismus, Literatur und Soziologie, Literatur und Philosophie, Literatur und Geographie/Kartographie
Rhizom, Kreolisation, Zentrum, Peripherie

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Université Paris-Sorbonne

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Paris
Frankreich
Datum der Veröffentlichung: 18.03.2022
Letzte Änderung: 18.03.2022