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Désir(s) (revue Méditations littéraires)

Deadline Abstract
15.04.2022
Deadline Beitrag
12.06.2022

Désir(s)

Revue Méditations Littéraires

Appel à contributions (Numéro 04)

Dans Le Banquet, Socrate explique à Agathon que l’homme « désire ce dont il ne dispose pas et ce qui n’est pas présent ; ce qu'il n'a pas, ce qu'il n'est pas lui-même, ce dont il manque […] » (Platon, 1992, 67). Tout désir découle donc de la prise de conscience d’une privation. La Lettre à Ménécée d’Épicure expose une classification tripartite des désirs : naturels et nécessaires, naturels et non nécessaires et, finalement, ceux qui sont vains, voire dissolus, et qu’il s’agit d’éviter. En effet, les rênes du désir débridé (Himéros) risquent de fourvoyer le sujet en quête de félicité. Le dépérissement sidéral, suggéré par l’étymon desiderare, renvoie au regret langoureux de l’absent (Pothos), à l’origine de l’inspiration orphique. Les affres du désir inassouvi confinent l’être dans la dessiccation. Le Déshérité déplore la mort de « [s]a seule étoile » (Nerval, 1856, 291), tandis que l’amante altérée laisse sourdre sa déréliction : « Ô longs desirs ! Ô esperances vaines. » (Labé, 1910, 67).

Nombreuses sont les théories du désir qui tentent de cerner cette inclination jugée, de prime abord, ataxique et selon lesquelles le désir serait œdipien, narcissique, mimétique, nodal … Aux yeux de Schopenhauer, l’homme ploie sous le faix des désirs, s’aliénant au vouloir-vivre, véritable roue d’Ixion. La vie de convoitises ressemble alors à un pendule oscillant d’un mal (la souffrance) à l’autre (l’ennui). De fait, défini comme une tendance corrosive dont l’objet est obscur (cf. Luis Buñuel, 1977), le désir s’achoppe continûment à des chimères. Le récit platonicien de l’attelage ailé, les dévoiements des personnages mythiques pris d’hybris – à l’instar de Narcisse, Œdipe, Icare ou Psyché –, l’image du tonneau sans fond que les Danaïdes se trouvent condamnées à remplir d’eau in aeternam font le procès du désir insatiable et illusoire. Les religions monothéistes, de leur côté, réprouvent les concupiscences, classées selon la doctrine augustinienne en trois catégories : libido dominandi (la domination), libido sciendi (la connaissance) et libido sentiendi (les appétences). Face aux exigences d’un surmoi envahissant, l’individu se voit appelé à refouler ses "mauvais" désirs.

En revanche, la psychanalyse jungienne porte un regard différent sur l’énergie libidineuse : l’Ombre, a priori effrayante et primitive, constitue, a posteriori, un foyer fécond. Elle ne doit donc pas être éliminée, mais conscientisée. D’ailleurs, c’est bien l’élan d’introspection vital, inhérent à l’homme, qui l’incite à embrasser la part ténébreuse en lui, afin de parvenir à la coïncidence des opposés. Dès lors, perçu comme un vecteur de plénitude, le désir d’individuation dynamise le voyage initiatique, en vue de la conversion (métanoïa). En ce sens, Spinoza assimile le Désir à une force « qui naît de la raison » (1861, 237) et qui permet à l’homme de « persévérer dans son être » (1861, 119), pour atteindre l’eudémonisme. Dans ses pérégrinations, le sujet désirant recherche les contrées oniriques, l’exotisme (l’Orient, l’Eldorado…), l’Idéal, voire la transcendance ... Bien plus, la quête de spiritualité donne voix au désir mystique, qui imprègne, par exemple, Le Château intérieur de Sainte Thérèse d’Avila, le Chant d’amour de Hallâj, Les Quatrains d’Omar Khayyâm, Sœur Béatrice de Maurice Maeterlinck.

Aux antipodes de la tradition classique rétive et austère, le siècle des Lumières réhabilite le désir, gage de liberté et d’hédonisme. En littérature, l’esprit libertin s’affirme dans Le Sopha de Crébillon, Margot la Ravaudeuse de Fougeret de Monbron, Les Liaisons dangereuses de Laclos... Le style rocaille ou rococo met en exergue le corps érotisé. Des toiles telles Diane au bain de Watteau, Hercule et Omphale de Boucher ou Le Verrou de Fragonard, prônent la véhémence du désir, la volupté et le voyeurisme. En outre, dans les interstices du fantasme solaire qui nourrit l’imaginaire romantique du voyage en Orient, se lit un fantasme sexuel, se traduisant à travers la figure féminine (sultane, odalisque, danseuse, etc.) et l’espace du harem. 

Par ailleurs, l’éros trouve son expression la plus achevée au sein du terreau littéraire et artistique, à l’image du phantasme de Pygmalion. Jean Starobinski explique qu’« il faut déchiffrer dans l’œuvre la nature spécifique d’un désir, d’un pouvoir (d’un génie) qui a cherché à s’atteindre lui-même et à s’attester en donnant naissance à l’œuvre » (1970, 24). Au XXe siècle, les surréalistes font l’apologie de l’érotisme, catalyseur d’une création révolutionnaire : « le désir, seul ressort du monde, seule rigueur que l’homme ait à connaître » (Breton, 1978, 129). Grâce à cette toute-puissance subversive, les artistes développent une esthétique de la beauté convulsive (Breton, 1970, 11), mais également une poétique du heurt et de la transgression, qu’atteste, entre autres, l’image sadique de l’œil crevé du Chien Andalou (1929), court-métrage de Luis Buñuel et Salvador Dali.

Ainsi, le numéro 04 de la revue Méditations Littéraires propose aux contributeurs de sonder les champs du désir. Les axes de recherche suivants sont présentés, à titre indicatif (liste non exhaustive) :

- Désir(s) dans la littérature et les œuvres d’art (peinture, sculpture, cinéma …)

- Désir(s) dans les écrits philosophiques

- Visages de la concupiscence dans les mythes

- Représentations du désir dans les textes sacrés

- Psychanalyse et logiques du désir

- Sociétés, corps et désir(s)

Pour ce numéro dont la publication est prévue en juin 2022, les soumissions – en français ou en anglais – devront contenir le titre de l’article, un résumé (Times New Roman; 12; simple) n’excédant pas une demi-page et une brève notice biobibliographique de l’auteur. Elles sont à faire parvenir, au plus tard le 10 avril 2022, en un seul document Word, à l’adresse suivante : contact@meditationslitteraires.com

La rédaction communiquera les résultats de la sélection au plus tard le 15 avril 2022.

Les articles devront être remis avant le 12 juin 2022 et seront soumis à une double expertise anonyme (double aveugle) après validation du comité de rédaction.

La date prévue pour la publication de ce numéro (électronique et papier) est la fin juin 2022.

Rédacteur en chef
Khalil BABA (Enseignant-chercheur, HDR, Maroc)
Comité de rédaction
Évelyne ACCAD (Professeur émérite, États-Unis d’Amérique)
Amel FAKHFAKH (Professeur de l’Enseignement Supérieur, Tunisie)
Carole MEDAWAR (Professeur Assistant, Liban)
Zsuzsa SIMONFFY (Maître de conférences HDR, Hongrie)
Catherine WEBSTER (Professeur de l’Enseignement supérieur, États-Unis d’Amérique)

Revue Méditations Littéraires
ISSN version électronique : 2658-9451
ISSN version papier : 2737-8462
Dépôt légal : 2021PE0021



Version anglaise

Desire(s)
Revue Méditations Littéraires (No 04) 
Call for Papers


In The Symposium, Socrates explains to Agathon «that one desires what one lacks […], desires not what is in his present power or possession» (Plato, 1956, 76, 77). Every desire arises when deprivation alerts. Epicurus’ Letter to Menoeceus exposes three types of desire: natural and necessary desires, unnecessary and natural desires, and finally, those that are vain. In fact, the reins of unbridled appetites (Himeros) risk misleading the subject in search for bliss. Sidereal decline, suggested by the latin term desiderare, refers to the languid regret of the absent (Pothos), at the origin of orphic inspiration. The torments of unfulfilled desire confine the being in desiccation. The Disinherited laments the death of his «lone star» (Nerval, 1957, 118), while the sad lover lets her dereliction well up: «O long-felt desires, O hopes uncertain» (Labé, 2018, 7).

Several theories about desire hold it to be ataxic: oedipal, narcissistic, mimetic, nodal … According to Schopenhauer, when man bends under the encumbrance of inexhaustible desires, he alienates himself from the will to live, compared to Ixion’s ever-spinning wheel. Hence, covetous life acts like a pendulum swinging «backward and forward between pain and boredom» (Schopenhauer, 2000, 177). Described as a corrosive tendency whose object is obscure (cf. Luis Buñuel, 1977), desire continuously stumbles upon chimeras. Plato’s chariot allegory, the deviations of the mythological figures caught up in hubris – like Oedipus, Narcissus, Icarus, Psyche – , the image of the bottomless barrel that the Danaides find themselves condemned to fill with water in aeternam illustrate the insatiable and delusional nature of desire. Monotheistic religions, from their part, reject concupiscence, classified according to the Augustinian doctrine into three categories: libido dominandi (domination), libido sciendi (knowledge) and libido sentiendi (appetites). Faced with the demands of an invading superego, the individual is called upon to repress his "bad" desires.

However, the Jungian analysis carries a different glance at libidinous energy: the Shadow, frightening and primitive at first sight, can be a fertile soil. Therefore, it could not be eliminated, but has to be raised consciously. Furthermore, it is the impulse of vital introspection, inherent to man, which impels him to embrace the dark side of his psyche, in order to accomplish the coincidence of opposites. Perceived as a vector of fullness, the desire for individuation energizes the initiatory journey, with a view to conversion (metanoia). In this sense, Spinoza assimilates desire to a force, which is born of reason and which allows the man to persevere in its being, to achieve eudemonism. In his peregrinations, the desiring subject seeks the Ideal, dreamlike lands, exoticism (the East, the Eldorado...), transcendence... Moreover, the quest for spirituality gives voice to the mystical desire, which permeates, for instance, The Interior Castle of St. Teresa of Avila, Love song of Hallâj, The Quatrains of Omar Khayyâm, Sister Beatrice of Maurice Maeterlinck.

At the antipodes of the restive and austere classical tradition, the Age of Enlightenment rehabilitates desire, a pledge for freedom and hedonism. In literature, the libertine spirit asserts itself in The Sofa by Crébillon, The Amorous Adventures of Margot by Fougeret de Monbron, Dangerous liaisons by Laclos... The rocaille or rococo style highlights the eroticized body. Paintings such as Diana at her Bath by Watteau, Hercules and Omphale by Boucher or The Bolt by Fragonard, advocate vehemence of desire, voluptuousness and voyeurism. In addition, in the interstices of the solar fantasy that nourishes the romantic imagination of the journey to the East, a sexual phantasm can be read, translated through the female figure (sultana, odalisque, dancer, etc.) and the space of the harem. 

On the other hand, eros finds its most complete expression within literary and artistic soil, reflecting the phantasm of Pygmalion. Jean Starobinski explains that it is necessary to decipher in the work the specific nature of a desire, of a power (of a genius) seeking to achieve itself thereby giving birth to artwork. In the 20th century, the surrealists praise eroticism they considered as a catalyst for revolutionary creation: «Desire, the only motive of the world, desire, the only rigor humans must be acquainted with» (1986, 88). Thanks to the subversive and overwhelming power of desire, surrealists artists develop an aesthetic of «convulsive beauty» (Breton, 1986, 10), but also a poetic of collision and transgression, as attested, among other things, by the sadistic image of the sliced eye in An Andalusian Dog (1929), short film by Luis Buñuel and Salvador Dali.

Thus, number 04 of the journal Méditations Littéraires invites contributors to probe the fields of desire. The following lines of research are proposed for information only (it is a non-exhaustive list):

- Desire(s) in literature and works of art (painting, sculpture, cinema, etc.)

- Desire(s) in philosophical writings

- Expressions of concupiscence in myths 

- Representations of desire in theological texts

- Psychoanalysis and logics of desire

- Societies, bodies and desires

For this edition, whose publication is projected in June 2022, submissions – accepted in French or English – must include the article title, an abstract not to exceed 250 words, and a brief bio-bibliography (all in a single document using Times New Roman, 12 point font) and should be sent no later than April 10 2022 to the following address:  contact@meditationslitteraires.com

The editorial board will communicate selection results no later than April 15 2022, with complete articles due by June 12 2022; they will be submitted to a double-blind review following their acceptance by the editorial committee.
Publication of this edition (electronic and hard copy) is expected by the end of June 2022.

Editor in Chief
Khalil BABA (University Professor, HDR, Morocco)
Editorial Board
Évelyne ACCAD (University Professor Emerita, USA)
Amel FAKHFAKH (University Professor, Tunisia)
Carole MEDAWAR (University Assistant Professor, Lebanon)
Zsuzsa SIMONFFY (University Lecturer, Hungary)
Catherine WEBSTER (University Professor, USA)

Revue Méditations Littéraires
ISSN version électronique : 2658-9451
ISSN version papier : 2737-8462
Dépôt légal : 2021PE0021

Quelle der Beschreibung: Information des Anbieters

Forschungsgebiete

Literaturgeschichtsschreibung (Geschichte; Theorie), Literatur und Psychoanalyse/Psychologie, Literatur und Soziologie, Literatur und Theologie/Religionswissenschaften, Literatur und Philosophie, Literatur und Anthropologie/Ethnologie
Desire, Wunsch, Trieb, Verlangen

Links

ISSN: 2658-9451

Ansprechpartner

Adressen

Marokko
Datum der Veröffentlichung: 14.03.2022
Letzte Änderung: 14.03.2022