Pour une analyse écopoétique des littératures de la Vallée du Fleuve Sénégal (An ecopoetic approach to the literature of the Senegal River Valey) – EcoSen

EcoSen a pour objectif de mettre en évidence les liens entre productions littéraires en langue peule et environnement dans la région du Fleuve Sénégal (sud de la Mauritanie, nord du Sénégal), par la mise en œuvre d’une approche théorique inédite pour les littératures de cette région, et afrophones en général : l’écopoétique. Cette discipline, en voie d’émergence dans le champ de la recherche française, interroge dans les textes les relations de l’homme à son environnement pour mettre en lumière des poétiques environnementales qui seraient autant de manières d’habiter le monde, et dont elle postule plus ou moins implicitement l’importance socio-politique. L’hypothèse qui sous-tend EcoSen est que l’environnement joue un rôle moteur dans la création poétique et sa résonnance tant auprès des populations locales que de la diaspora. Cette hypothèse prend appui sur plusieurs constats et travaux antérieurs des membres du projet, ayant en commun une longue expérience de terrain dans la vallée du fleuve Sénégal.

Cette région est traversée d’un bout à l’autre par le fleuve Sénégal, dont le régime des crues rythme toute la vie des populations. Toutefois, elle est soumise depuis les années 60 à de profonds changements environnementaux (sécheresses, construction de barrages, disparition d’espèces animales et végétales) et sociétaux (paupérisation croissante, migrations massives en et hors d’Afrique). Parallèlement, la transformation des paysages s’est accompagnée d’une prise de conscience croissante d’une marginalisation politique, et des revendications culturelles fortes soutenues par des associations très dynamiques (sur le plan national et international), portées en grande partie par les poètes. Une création écrite contemporaine en peul s’est ainsi développée dès les années 60 tant en Afrique qu’en Europe. En même temps, la riche et dense production poétique orale de cette vallée, très appréciée, et traditionnellement présentée comme dépendant d’une organisation sociale hiérarchisée, reste profondément ancrée dans un environnement naturel, tout en ayant évolué dans ses modes d’énonciation, de diffusion et de patrimonialisation (internet, festivals).

Afin de cerner le lien entre poésie et environnement, EcoSen propose d’expérimenter une méthodologie interdisciplinaire rassemblant des spécialistes de cette zone du Sahel (2 littéraires, 1 géographe, 2 anthropologues). Leur but est d’initier une réflexion commune sur les processus, fonctions et enjeux de création des lieux et des paysages, avec comme point de départ un corpus de poésie orale et écrite de différents groupes sociaux (bergers, chasseurs, éleveurs, etc). De nouvelles données seront collectées sur le terrain (poésie, cartographie, terminologie linguistique, entretiens ethnographiques, etc). Leur croisement aboutira à la mise en place d’une plateforme numérique pensée par une solide équipe de techniciens en lien avec les chercheurs, pour le grand public et l’intérêt des disciplines impliquées.

La démarche et les résultats d’EcoSen seront restitués dans le cadre de publications, de collaborations universitaires (au Sénégal, en France) et avec la société civile. EcoSen a notamment reçu le soutien de la chaire UNESCO « Fleuves et patrimoines : diversité naturelle et culturelle des paysages fluviaux ». En posant le paradigme environnemental, jusqu’ici traité comme un thème secondaire, comme un élément esthétique essentiel à la compréhension du dynamisme de cette poésie et de ses enjeux de société, EcoSen propose un changement de perspective inédit et stimulant sur la poésie de la Vallée du fleuve Sénégal. Cela permettra de saisir sous un angle nouveau les textes recueillis par le passé et ceux à venir, et de comprendre la force mobilisatrice du discours poétique observé dans cette région. Par son originalité, EcoSen ambitionne ainsi de faire avancer la réflexion française.

EcoSen aims to highlight the links between Pulaar literary output and the environment of the Senegal River region (southern Mauritania, northern Senegal), by implementing a novel theoretical approach to the literature of this region, and, more widely, to Afrophone literature, which we term Ecopoetics. This discipline, which is just beginning to emerge in French research, investigates in texts the relationship between humans and their environment, in order to shed light on environmental poetics, which accepts that there are many ways of inhabiting the world, and more or less implicitly assumes the importance of a socio-political dimension. The underlying hypothesis of EcoSen is that the environment plays a leading role in the creation of poetry and in how it resonates, both with the local population and in the diaspora. This hypothesis is based on numerous findings in the previous research of the project members, all of whom have in common extensive field experience in the Senegal River valley.

The Senegal River flows through the entire region in question and its seasonal flooding impacts the entire life of the population. However, since the 1960s, the region has been subject to profound changes, both environmental (droughts, dam construction, the extinction of animal and plant species) and social (increased poverty, mass migration both within and beyond Africa). This transformation of the countryside has been accompanied by a growing sense of political marginalization and an outspoken voicing of cultural demands supported by some quite dynamic national and international associations, largely articulated by poets. Thus, from the 1960s onwards, contemporary Pulaar literature has been developing in both Africa and Europe. Simultaneously, the rich, prolific and prestigious oral poetry of the valley, traditionally presented as dependent on a hierarchical social organization, remains deeply rooted in the natural environment, while at the same time evolving in terms of how it is proclaimed, disseminated and honored culturally (e.g. through the Internet and art festivals).

In order to identify the link between poetry and the environment, EcoSen will adopt an interdisciplinary methodology bringing together five specialists from this area of the Sahel (two literature specialists, one geographer, and two anthropologists). Their aim is to undertake collaborative research on the processes, functions and issues surrounding the creation of places and landscapes, starting with a corpus of oral and written poetry representing different social groups (shepherds, hunters, breeders, etc.). New data will be gathered on the field (poetry, cartographic data, linguistic terminology, ethnographic inverviews etc). Their cross-fertilization will lead to the setting up of a digital platform developed by a team of skilled technicians in collaboration with the researchers, which will serve the interests not only of the disciplines involved but also the general public.

EcoSen's approach and results will be reflected in publications, and through collaborations in academia (in Senegal and France) and civil society. EcoSen has the support of the UNESCO initiative Rivers and Heritage: the Natural and Cultural Diversity of River Landscapes. By bequeathing the hitherto subsidiary topic of the environment its rightful place as an aesthetic element essential to understanding the dynamism and social implications of Pulaar poetry, EcoSen proposes a new and stimulating change of perspective on the poetry of the Senegal River valley. This will enable us to grasp, from a new angle, the message of the texts already collected and those to come, and to understand the mobilizing force of the poetic discourse observed in this region. The very originality of EcoSen will advance French thinking about Ecopoetics, by allowing young researchers to apply this theory to the African context.