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Colloque de doctorants : mythes et formes brèves

Beginning
07.10.2021
End
08.10.2021
Abstract submission deadline
09.04.2021

Appel à communications

Laboratoire CIRPaLL / École Doctorale ALL

Colloque des doctorants

Maison de la Recherche Germaine Tillion

7 & 8 octobre 2021

 

Mythes et Formes brèves

Le CIRPaLL est un laboratoire de recherche de l’université d’Angers qui fédère enseignants-chercheurs et doctorants autour d’un travail sur les patrimoines littéraires, linguistiques, artistiques et culturels du monde, d’hier à nos jours. À la croisée de deux des quatre axes du CIRPaLL, « Mythes et sacré » et « Nouvelles et Formes brèves », ce colloque des doctorants, qui se déroulera en français, soutenu par l’expertise des chercheurs du laboratoire, portera sur les liens entre mythes et formes brèves. Il sera également enrichi d’une publication dans la revue des doctorants portée par l’École Doctorale ALL, rattachée à l’université Bretagne Loire, TransversALL, centrée sur les domaines des Arts, Lettres et Langues.

Les mythes ont donné lieu à maintes recherches et analyses dans différentes branches des sciences humaines, littéraires et artistiques. Cependant, le rapprochement du réservoir mythique, dans sa diversité culturelle et diachronique, avec les différentes formes brèves sera l’occasion de s’interroger de façon originale sur le lien herméneutique qu’ils entretiennent et leurs influences réciproques dans différents domaines d’expression et de pensée.

Issu du grec muthos, le mythe désigne un récit fabuleux transmis par la tradition, qui met en scène des êtres incarnant sous une forme symbolique des forces de la nature, des aspects de la condition humaine. Il a une visée explicative des phénomènes cosmiques ou sociaux et surtout fondatrice d’une pratique sociale dans une communauté en quête de cohésion. Objet de curiosité, vecteur de civilisation, porteur tantôt d’une amusante naïveté, tantôt d’une rare poésie, il révèle l’imagination des premiers peuples et ouvre des portes vers le mystère et le sacré. Félix Guirand (Mythes et mythologies, 2019) n’hésite pas à lui conférer une place prépondérante dans sa préface : « La forme mythique est la forme primordiale de l’esprit humain ; elle est à l’origine de toute poésie, à l’origine de toute littérature. »

 

Mythes et formes brèves : fabrication et liens structurels

À l’origine liés à la forme longue de l’épopée, et notamment des épopées fondatrices –L’Iliade et l’Odyssée d’Homère, L’Énéide de Virgile, LeMahabharata, LeRâmâyana, Gilgamesh… – les mythes ont fait bien vite l’objet de compilations – par exemple en grec avec La Bibliothèque du Pseudo-Apollodore ou en latin dans LesMétamorphoses d’Ovide mais également à travers le corpus des fables ésopiques ou des dialogues de Lucien (Dialogue des Dieux, Dialogue des Morts …) – et sont aujourd’hui, paradoxalement, davantage incarnés au sein des formes brèves.

Selon Pierre Grimal, le mythe « s’adresse à l’imagination » (Récits et légendes de l’Olympe, 1964, p. 7) et favorise ainsi l’inspiration, par les nombreux exemples d’histoires courtes, de petits récits oraux, de contes populaires qui travaillent l’imaginaire collectif. Il nourrit aussi la création, par la mise en forme d’une parole primordiale à travers le jaillissement du verbe : la première parole, essentiellement mythique, émise aux temps primitifs de la cosmogonie – il en est de même dans la mythologie hindouiste avec le brahman et la syllabe créatrice om ou aum– passe, avant tout, par la fulgurance d’une forme brève. Scheid et Svenbro insistent d’ailleurs sur la puissance démiurgique et performative des mots dans la fabrication des mythes au sein des formes brèves : « Le récit mythique ne se fabrique précisément pas, contre ou malgré les mots, mais au contraire à partir et au moyen des mots. » (La Tortue et la lyre : Dans l'atelier du mythe antique, p. 31).

Notion littéraire, le mythe intéresse aussi bon nombre de sciences humaines : la philosophie, l’anthropologie, l’ethnologie, la philologie, la psychologie, la psychanalyse, la sociologie et l’histoire. Il devient dans ces domaines le médium d’une pluralité d’interprétations qui pourront éclairer les domaines artistiques, littéraires et linguistiques qui nous intéressent (cf. bibliographie ci-dessous). L’opposition fondamentale entre logos et muthos, posée très tôt par les Hellènes, structure notre pensée et marque la césure entre littérature, imaginaire et science, philosophie.

 

Visées discursives et réception des mythes dans les formes brèves artistiques

À l’époque classique, à travers les formes brèves, qui s’approchent davantage de la poésie – forme versifiée – ou des contes – forme narrative –, deux dimensions du lien essentiel entre mythes et brièveté peuvent être illustrées. La dimension iconographique et intertextuelle, d’une part, qui, s’appuyant sur les références traditionnelles aux Anciens, permet de légitimer l’originalité de l’œuvre selon les codes de la conscience collective. La transmission du savoir et la création esthétique ne peuvent désormais se passer du jeu des références mythologiques. La dimension didactique, d’autre part, qui, par le biais de l’apologue, utilise le mythe comme un moyen, une illustration pédagogique (Icare pour la démesure ; Prométhée pour la rébellion…), au service de la morale (religieuse ou non) dans la continuité des exempla médiévaux.

D’après les théories d’Edgar Allan Poe, mises au jour par Charles Baudelaire dans la seconde moitié du XIXe siècle, notamment dans La Genèse d’un poème, la forme brève serait, en outre, susceptible de traduire l’indicible grâce à la concision des dialogues et de la brièveté – forme concentrée et centrée sur elle-même – de la matière diégétique. Plus qu’un récit détaillé, censé révéler, par mimésis, l’exacte représentation du réel, la nouvelle s’intéresserait surtout à l’implicite, au non-dit qui se dévoile entre les lignes à la faveur de l’implication du lecteur ou de l’inventivité de l’auteur.

Face à cette dissimulation volontaire, renforcée par la connotation – idéologique, psychanalytique… – des mythes et le célèbre « feuilleté » herméneutique (cf. Roland Barthes), le lecteur se fait chercheur de sens, co-créateur malgré lui au même titre que le narrateur et dépasse, ce faisant, le caractère purement oral de la tradition. Les théories de la réception posées entre autres par H. Robert Jauss et U. Eco seront ici les bienvenues : « Un texte veut que quelqu’un l’aide à fonctionner. » (Lector in fabula, p. 67)

 

L’intermédialité et l’intertextualité des mythes dans les formes brèves

Le mythe, par le fait qu’il se déroule dans un cadre spatio-temporel flou et lointain, sujet à de nombreuses versions, par sa transmission orale, se prête à des interprétations plurielles et qui n’épuisent nullement ses possibilités herméneutiques. Cette plasticité formelle, esthétique et herméneutique du mythe explique peut-être que les arts, depuis la littérature, dont il est l’essence même, selon F. Guirand (op. cit.) jusqu’à la musique, s’en sont emparés, au fil des siècles. Les grands mythes d’Orphée, de Prométhée ou d’Œdipe de notre culture occidentale ont donné des œuvres inoubliables : L’Orfeo, opéra de Monteverdi (1607), Frankenstein or The Modern Prometheus de Mary Shelley (1818) et Le Sphinx de Fernand Khnopff (1896).

Considérés comme des formes brèves, si l’on s’appuie sur les théories de Poe dans Genèse d’un poème, opéras, pièces de théâtre, films… seront les bienvenus. En effet, en transposant ce qui est dit pour la littérature aux autres formes artistiques, Poe insiste sur la nécessité d’une lecture en « une seule séance », pour une forme brève, afin de garantir « l’unité d’impression », « l’unité d’effet », essentielle, à ses yeux (p. 986-987). 

Revisités, les grands mythes permettent bien souvent de traduire l’esprit d’une époque mais aussi d’en proposer une interprétation polysémique et intemporelle : qu’on songe à l’Antigone d’Anouilh (1944) ou à la portée philosophique et existentielle actuelle du mythe de Sisyphe réinterprété par A. Camus (1942) ou à la fortune notamment cinématographique de L’Étrange cas du Dr. Jekyll et de Mr. Hyde de Stevenson (1886).

S’intéresser aux mythes dans des formes brèves, c’est non seulement s’interroger sur la puissance évocatrice et incantatoire du mythe ou du nom propre qui le désigne mais aussi chercher à comprendre son dispositif intertextuel, selon la définition de l’intertextualité donnée par Julia Kristeva qui permet de considérer : « Tout texte se construit comme mosaïque de citations, tout texte est absorption et transformation d’un autre texte » (Sèméiôtikè – Recherches pour une sémanalyse, 1969, p. 84-85). G. Genette affinera la théorisation de l’intertextualité en la réservant aux cas de « présence effective d’un texte dans un autre » (Palimpsestes, 1982,       p. 67). Ces approches théoriques sont transposables, mutatis mutandis, à l’intermédialité. L’intertextualité et l’intermédialité favoriseront la compréhension du rôle esthétique du mythe dans l’économie générale de l’œuvre et sa fonction herméneutique : pourquoi réécrire des mythes ? Que disent les mythes de l’âme humaine, de la société et de la civilisation dans laquelle ils sont revisités ?

 

Les mythes à l’épreuve de la brièveté et de la modernité : création, renouvellement ou menace de destruction ?

            Faust, Frankenstein, Dr. Jekyll et Mr. Hyde ou Superman, pour ne citer qu’eux, constituent des mythes modernes profondément ancrés dans un contexte historique, esthétique et culturel. Pourquoi ont-ils été créés ? Que révèlent-ils de la conscience humaine ? Pourquoi connaissent-ils une telle fortune d’adaptation dans des formes brèves artistiques aussi diverses, allant de l’opéra au spot publicitaire ? Comment la complicité avec le lecteur/spectateur, dans le cas d’une publicité, par exemple, s’instaure-t-elle ? Si l’on considère le mythe de Thulé et de la race aryenne, tristement célèbre, l’on est conduit à s’interroger aussi sur l’utilisation moderne des mythes à des fins idéologiques ou de propagande.

Dans un autre domaine, celui de la didactique, la forme brève se mue en support privilégié de l’enseignement et pas uniquement pour véhiculer ou analyser les mythes. Par ailleurs, la forme brève, qui tend à devenir le fondement de notre contemporanéité – nanolittérature / microlittérature –, amène à poser la question du devenir du mythe, lié, à l’origine, au temps long et à des formes longues. Dans la continuité des théories d’Alexeï Lossev, au regard de la dialectique du mythe passant de la suprématie de Dieu à la mort du sens, il sera donc nécessaire de s’interroger sur la propension potentiellement destructrice de la brièveté qui, ancrée dans le mouvement même de la modernité, participerait au processus de sécularisation et de démythification jusqu’au post-modernisme contemporain (La Dialectique du mythe, 1930).

Le colloque, organisé par Olivier Beneteau, Karla Cotteau, Cathy Dissler et Elsa Yardin, doctorants membres du CIRPaLL, se déroulera les 7 et 8 octobre 2021, à la Maison de la Recherche Germaine Tillion (campus Belle-Beille), à l’université d’Angers, en présentiel. Si la situation sanitaire l’imposait, il se tiendrait en distanciel. Il s’adresse aux doctorants en Arts, Lettres et Langues tout particulièrement. Chaque doctorant bénéficiera d’un temps de quarante minutes réparties de la façon suivante : chaque communication se fera en français et durera entre vingt et trente minutes, suivie d’un temps de questions et d’échanges entre dix et vingt minutes, selon le temps de communication. Les propositions de communication devront comporter une page, présentant une courte notice bio-bibliographique et le projet de communication avec un titre provisoire. Elles sont à adresser aux organisateurs à l’adresse électronique suivante au plus tard le 9 avril 2021 :

mythes.formesbreves@gmail.com.

           

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Date of publication: 19.02.2021
Last edited: 19.02.2021