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Bernard Heidsieck : la poésie debout (Ouvrage collectif)

Deadline Abstract
30.04.2021

Bernard Heidsieck : la poésie debout (titre provisoire) 

Ouvrage collectif coordonné par Gaëlle Théval, Anne-Christine Royère, Jean-Pierre Bobillot 

 

PRÉSENTATION

Pionnier de la poésie sonore au milieu des années 1950, inventeur de la « poésie action », Bernard Heidsieck (1928-2014) est une figure centrale de la poésie sonore et de la performance poétique, et un poète majeur de la seconde moitié du XXe siècle, dont l’œuvre est cependant restée longtemps difficilement consultable, et reste seulement partiellement accessible. Longtemps tenue à l’écart des travaux universitaires littéraires, elle a fait l’objet de rares études monographiques[1]. Le présent collectif entend ainsi combler un manque certain, en proposant une approche multifocale d’une œuvre elle-même plurielle et complexe. 

L’œuvre de Bernard Heidsieck se déploie sur plus de cinquante ans, à travers des publications sonores, des performances, des publications livresques, et en revues, mais aussi des productions plastiques et des collaborations. Cet ouvrage se propose ainsi d’éclairer ces cinquante années d’activité poétique selon des axes multiples : il s’agira d’envisager l’œuvre sous tous ses aspects médiologiques (sonores, performatif, plastique), mais aussi de croiser les perspectives historiques, thématiques, critiques et théoriques. 

« Adieu à la page. Et sans façon […] La Poésie s’en est extraite, enfin. » Par ces mots, Bernard Heidsieck décrit le mouvement par lequel il entend, au milieu des années 1950, « dégutembergriser » une poésie menacée d’étouffement par son medium dédié, le livre, au profit d’une poésie d’abord qualifiée de « sonore » en ce qu’elle use à partir de 1955 du nouveau moyen de production et de diffusion qu’est alors le magnétophone.

La scène du poème n’est alors plus celle de la page : « Des lieux d’actions et d’auditions se substituent ainsi à la page écrite : scène, rue, salle d’écoute, studio, espace, quel qu’il soit. » Projeté dans l’espace, le poème se fait non seulement sonore, mais aussi, par sa performance sur scène, « action » : Heidsieck requalifie comme telle sa poésie à partir de 1963. Ne se cantonnant plus au texte écrit, ses nouveaux véhicules sont « la voix, le cri, le geste, l’action, le bruit, le son, le silence, la bande magnétique, tout et n’importe quoi […]. Le poème visant à s’incarner dans son action même[2] ». Écrit pour et par le magnétophone devenu instrument d’écriture à part entière, voué à être lu, projeté dans l’espace face à un public dans le hic et nunc d’une performance, le poème trouve un mode nouveau d’incarnation, qui vise, toujours selon Heidsieck, à renouer les relations entre poésie et société que des siècles de confinement dans l’espace toujours plus blanc de la page et la clôture du livre avaient fini par distendre. 

Dans sa phase d’élaboration, entre 1955 et 1965, la poésie action de Heidsieck convoque divers modèles : poésie en scène, happenings et performances, musique électroacoustique,  arts plastiques. 

Le récit de ces influences est fait par le poète lui-même, à de nombreuses reprises. Sa fréquentation assidue des concerts du Domaine musical présentés par Pierre Boulez lui fait découvrir Schönberg, Berg, Webern et Messiaen, mais aussi Xenakis, Berio, Nono, Varèse et Cage sous l’égide desquels sont placés les Poèmes-partitions (1956) et La Cage (1965). Mais c’est surtout Gesang der Jünglinge de Stockhausen, donné le 15 décembre 1956, qui le subjugue. La peinture gestuelle, et les soirées Fluxus sont également désignées par le poète comme des moments majeurs dans l’élaboration de la « poésie action ». La semaine du Festum Fluxorum (1962), première tournée de Fluxus à Paris, impose d’emblée, pour Heidsieck, un rapprochement « entre cette poésie devenue scénique, cette poésie devenue “action” et les pièces de Fluxus ». Enfin, les relations avec les courants artistiques de son temps, Lettrisme (notamment via François Dufrêne) puis Nouveau Réalisme, entre autres, demanderaient à être réenvisagées. Mais, si elle se déploie en marge du champ poétique et littéraire d’alors, l’œuvre demanderait aussi à y être resituée : les relations d’Heidsieck à la poésie américaine seront ainsi envisagées (par les compagnons de route Brion Gysin et John Giorno notamment), mais qu’en est-il du champ français ?

Après les Poèmes-partitions (1955-1965), les Biopsies (1965-1969) et Passe-partout (1969-2004), « déploient pleinement une poétique du quotidien. Elles procèdent en effet d’une triple mise en relation des prélèvements de bruits et sons du quotidien, de discours sociaux prélevés ou ré-énoncés par le poète et d’extraits de textes de nature documentaire appartenant à la littérature grise, également lus par Heidsieck. Les poèmes s’apparentent parfois à des poèmes trouvés, mais relèvent plus largement des esthétiques du ready-made et du cut-up[3] ». Comment approcher cette poétique du quotidien ? Dans quelle mesure peut-elle être mise en relation avec d’autres productions en relevant ? Que nous disent-ils des relations de cette poésie aux médias de masse, à la société de consommation ?

Sonore, la poésie de Bernard Heidsieck se définit comme telle par son usage du magnétophone : à l’instar de Gil Wolman, François Dufrêne, et Henri Chopin, Heidsieck use des possibilités nouvelles offertes par ces techniques, selon une perspective cependant quelque peu différente. Il s’agit, pour le poète, d’utiliser « les techniques électriques, électro-acoustiques […] qui sont celles de notre bain sonore quotidien[4]. » « La machine, de plus, par la trituration des mots et des sons qu’elle autorise, qu’elle provoque, par les possibilités de variations de vitesse, de confrontations, superpositions, collages, manipulations de tous ordres qu’elle permet, suscite une approche du réel (…) nouvelle, concrète et immédiate, physique. » Le rapport du poète à la machine  et ses usages serait cependant à interroger plus avant : quels sont les enjeux, poétiques, esthétiques, mais aussi politiques de l’usage de ces technologies comme moyens d’écriture ? 

Une idée reçue consiste à penser que la poésie action de Heidsieck est une pratique exclusive, qu’elle relègue le support livresque au profit de relations étroites avec le domaine musical et ses technologies. Ce serait oublier les nombreuses publications en revues ou en livres, objets éditoriaux complexes, associant au texte les disques et les photographies de performance prises par Françoise Janicot, ou encore le travail plastique d’artistes comme Gianni Bertini et P.-A. Gette, avec lesquels le poète a fréquemment collaboré dans les années 1960-1970. En 2013, à l’occasion de l’exposition à la Villa Arson de Nice, Les presses du réel publient l’intégralité des « tapuscrits[5] » de l’auteur, raeproduits en fac-similés. Le travail de spatialisation du texte, en lien étroit avec le statut de « partition » de l’écrit, s’y expose : comment envisager ces « partitions graphiques » ? Ce serait aussi passer sous silence sa propre pratique plastique[6], qui débute en 1965, époque à laquelle il a déjà trouvé le dispositif intermédial de sa poésie action, et dont la production précède ou prolonge le travail sonore des poèmes.

Outre l’approche poétique et médiologique, une perspective biographique, voire sociologique, le poète n’ayant jamais caché sa condition de banquier d’affaires, et la tension, thématisée dans l’œuvre (notamment dans le poème-partition « B2-B3 ») comme les facilités économiques (de production comme de soutien aux éditions d’avant-garde), induites par cette situation, serait un apport intéressant.  

Enfin, sans clore la liste de pistes envisageables, des études envisageant les réceptions de la poésie de Bernard Heidsieck aujourd’hui,  au prisme par exemple des pratiques inteprétatives et/ou reenactments, seraient un apport important, de même que des questionnements sur les héritages contemporains d’une œuvre qui a donné son nom à un prix littéraire[7], consacrant son caractère fondateur et tutélaire pour les littératures hors du livre.

Le collectif entend rassembler une sélection interdisciplinaire d’études déjà parues : les propositions retenues proposeront donc un éclairage nouveau au regard de l’état de l’art.

Les propositions d’articles, d’environ une page, accompagnées d’une brève bio-bibliographie, sont à envoyer avant le 30 avril 2021 aux adresses suivantes : 

gaelle.theval@univ-rouen.fr

anne-christine.royere@univ-reims.fr

bobillot.jean-pierre@wanadoo.fr

 

NOTES

[1] Jean-Pierre Bobillot, Bernard Heidsieck : poésie action, Paris, Jean-Michel Place, 1996, puis la thèse de Marion Naccache, Bernard Heidsieck & Cie : une fabrique du poétique, ENS Lyon, 2011.

[2] « Notes sur les Poèmes-Partitions H1 et H2 ou “Le Quatrième plan” », versions I et II (juin-octobre 1963).

[3] Pour une présentation globale de l’œuvre de B. Heidsieck, voir le dossier rédigé par Anne-Christine Royère pour la base de données BRAHMS de l’IRCAM. Cet argumentaire reprend des éléments du « Parcours de l’œuvre ». En ligne : http://brahms.ircam.fr/bernard-heidsieck

[4] Bernard Heidsieck, « Notes convergentes : poésie et magnétophone », Romainville, Notes Convergentes, Al Dante, 2001, p.139.

[5] Bernard Heidsieck, les tapuscrits : poèmes-partitions, biopsies, passe-partout, exposition, Nice, Villa Arson, 18 février-22 mai 2011, Dijon, Les presses du réel / Nice, Villa Arson, 2013.

[6] Recensés par Frédéric ACQUAVIVA, Bernard Heidsieck : ici Radio Verona et autres écritures/collages dans la collection F. Conz, Vérone, Archivio F. Conz / Berlin, Verlag für zeitgenössische Kunst und Theorie, 2010. Catalogue + DVD, 23 mn, ainsi que François COLLET, Bernard Heidsieck : plastique, Lyon, Fage, 2009.

[7] Le « Prix littéraire Bernard Heidsieck » est décerné depuis 2017 par le Centre Georges Pompidou, dans le cadre du festival EXTRA ! : « Pour récompenser des formes ouvertes et extra-livresques prises par la littérature, le nom et la figure du poète sonore Bernard Heidsieck se sont imposés avec force et évidence », peut-on lire sur la page de présentation (https://www.centrepompidou.fr/fr/programme/agenda/evenement/cdA8AEd)

Quelle der Beschreibung: Information des Anbieters

Forschungsgebiete

Französische Literatur, Lyrik allgemein, Andere lyrische Formen, Literatur des 20. Jahrhunderts, Literatur des 21. Jahrhunderts
Bernard Heidsieck ; Lautpoesie

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Datum der Veröffentlichung: 01.03.2021
Letzte Änderung: 01.03.2021